


Les travaux de la place Verte, qui devaient légalement être terminés à l'automne 2020.

La face cachée du monde de l'édition
L'édition belge
Je publie régulièrement des livres d'histoire depuis les années 1990. C'est ainsi que j'ai été amené à signer des contrats avec plusieurs éditeurs. Parmi eux, deux éditeurs belges : Weyrich (Neufchâteau) et Jourdan (Waterloo). L'expérience mérite d'être mentionnée car le grand public ignore très probablement les turpitudes qui agitent ce petit monde.
D'emblée, il faut savoir qu'être un auteur ne signifie pas accéder à la richesse. Si l'on excepte les romans à succès, les livres se vendent généralement à de petits tirages. De plus, l'auteur lambda est lié par un contrat qui ne lui réserve que 8 à 10% du montant des ventes. Ce qui signifie qu'au moins 90% des recettes sont pour tous les intermédiaires, et non pour le créateur du livre, phénomène classique puisque ce sont généralement les intermédiaires qui s'enrichissent et non les producteurs. Ajoutons à cela qu'il faut encore en soustraire la TVA et l'impôt et, pour les livres qui demandent des recherches, le coût de ces recherches. On comprendra que les revenus qui restent à l'auteur incitent à la modestie. Encore faudrait-il qu'on les lui paye. Et c'est là que ça coince.
Il y a apparemment une tradition, dans le milieu belge de l'édition, de voler l'auteur de ses droits. J'avais déjà entendu cette rumeur il y a de nombreuses années, lors d'une conférence littéraire, dans la bouche d'un romancier. Récemment, un ami m'a expliqué comment l'éditeur Legrain avait refusé de payer les droits d'auteur à un écrivain qui avait publié chez lui des entretiens avec l'ancien leader rexiste Léon Degrelle. Ce même éditeur Legrain avait procédé pareillement avec un écrivain régionaliste, Jean Mergeai. Mauvaise idée, ce dernier étant juge, il l'avait fait convoquer au tribunal.
Pour ma part, j'ai publié chez Weyrich une étude consacrée au corps de troupe des chasseurs ardennais. Un ami m'avait préalablement mis en garde en m'expliquant le cas d'une de ses connaissances qui n'avait jamais été payée de ses droits d'auteur par Weyrich. C'est effectivement ce qui a failli m'arriver. Au moment de payer, l'éditeur s'est mis aux abonnés absents. Plus de nouvelles, pas moyen de le joindre. Les mois passant, il m'a fallu avoir recours aux lettres recommandées et aux menaces de tribunal, pour qu'enfin je sois payé. L'année suivante, bis repetita. Puis l'affaire s'est arrêtée là, l'éditeur signalant avoir vendu tous les livres. Cela dit, il est le seul à le savoir, puisque c'est lui qui en tient la comptabilité. L'auteur n'a pas la possibilité de le vérifier.
Après coup, j'ai appris d'autres faits similaires concernant cet éditeur. Deux amis m'ont expliqué qu'ils avaient eux aussi été roulés par lui, qu'ils n'avaient jamais été payés. L'un m'a cité un auteur connu, pas payé non plus, qui justifiait la chose en disant « Weyrich est un ami ». Depuis lors, j'ai constaté qu'il avait quand même changé d'éditeur. Comme quoi, l'amitié a ses limites. Il semble donc que c'est une pratique courante chez cet éditeur de faire obstacle au paiement des droits, en pariant sur le fait que les auteurs n'oseront pas les lui réclamer ou finiront, à la longue, par se lasser. Weyrich s'était fait une habitude, à une époque, de publier aussi des journalistes et des politiciens. On peut penser que ceux-ci étaient payés, contrairement aux autres, sans quoi on se demande comment l'éditeur aurait bénéficié de commandes publiques et d'échos favorables dans la presse.
Voilà pour Weyrich. Il y a pire. J'ai publié deux ouvrages aux éditions Jourdan. L'éditeur, un nommé Leclercq, a d'abord procédé exactement comme Weyrich, c'est-à-dire qu'il a oublié de payer. Il a fallu réclamer, à nouveau. Et là, on vous adresse des bilan faussés. C'est-à-dire que le droit d'auteur, qui n'est déjà pas bien gras, n'est plus calculé sur le prix de vente du livre, mais sur le bénéfice de l'éditeur, ce qui le divise encore par trois. Puis, au bout d'un moment, l'éditeur ne daigne plus vous répondre du tout. Ce qui vous oblige, si vous voulez faire valoir vos droits, à louer les services d'un avocat, ce qui n'est pas gratuit évidemment. Et Jourdan agit de même avec lui, c'est-à-dire qu'il se met aux abonnés absents, il ne répond même plus à l'avocat. Dès lors, il ne reste plus que le tribunal. La procédure est en cours actuellement.
L'édition française
Je n'ai pas les mêmes soucis avec l'édition française. Elle n'est certes pas plus pressée de payer les droits que son homologue belge, mais elle finit quand même par le faire quand on le lui rappelle. Par contre, le copinage y atteint un rythme industriel. Ayant beaucoup publié, j'ai été amené non seulement à écrire mais aussi à lire une multitude d'ouvrages pour nourrir mes études. Par ailleurs, j'ai été critique littéraire pendant quelques années pour une revue d'histoire parisienne (et auparavant, occasionnellement, dans la presse de province). Ce petit monde de l'édition connaît les mêmes dérives que l'on retrouve dans tous les milieux ou s'exercent une certaine forme de pouvoir.
Suivons les démarches dans l'ordre. Si vous soumettez un manuscrit à un éditeur en débarquant de nulle part, sauf coup de théâtre, c'est déjà perdu d'avance. On ne prête qu'aux riches. Le nom de l'auteur, ses réseaux, son pouvoir sont généralement plus importants que sa prose. Alors qu'ils s'engagent à le faire, estimez-vous heureux si les éditeurs vous répondent négativement, parce que souvent ils ne vous répondent pas du tout.
Or, quand on travaille durablement dans un domaine, qui ne relève pas de la création pure comme le roman, mais plutôt d'une démarche scientifique, comme est supposée être l'Histoire, on finit par connaître quantité de publications et se faire une idée de la valeur de ces livres, de ces auteurs. On se rend compte alors que des maisons d'éditions connues publient aussi des ouvrages de piètre qualité. L'explication est à chercher dans la biographie de l'auteur, que l'on trouve souvent en quatrième de couverture : professeur d'université, directeur d'une institution, acteur économique, homme de média, de pouvoir... C'est à la tête du client. L'affaire va plus loin. Ces mauvais livres reçoivent souvent de bonnes critiques, parfois même des critiques élogieuses. Je pourrais citer un livre sur un sujet que je connais bien (la bataille des Frontières d'août 1914), publié par un trader international, Jean-Michel Steg, chez Fayard, et préfacé par le directeur de l'Ecole des hautes études en sciences sociales, Stéphane Audoin-Rouzeau. Cet ouvrage a bénéficié d'un passage sur France 24 et de l'éloge appuyé, sur France Culture, d'Edwy Plenel, ancien directeur du Monde, président de Mediapart, site censé être une référence de l'investigation journalistique. Or, l'ouvrage est nul, il n'y a pas d'autres mots (il n'est pas le seul dans le cas, mais ce n'est pas une excuse, ni un concours). De plus, il s'était permis de plagier deux ou trois passages provenant d'un de mes livres. Avec mon éditeur, nous avions même envisagé une action en justice, mais le plagiat était trop limité, nous en sommes restés là.
Derrière tout cela œuvrent les réseaux et une société oligarchique. Il est intéressant de savoir comment se réalise une critique de livre dans la presse. Les médias reçoivent constamment quantité de livres en tous genres. Un journaliste n'a pas le temps de les lire. La plupart de ces livres finissent à la poubelle, à commencer par ceux dont il n'a pas envie de parler. Mais certains vont quand même recevoir un écho médiatique. Lesquels ? C'est à nouveau, la plupart du temps, à la tête du client. Qui est l'auteur ? Est-ce qu'il est connu ? Est-ce qu'il a du pouvoir. Aurais-je besoin de ses services un jour ? Est-ce que je risque quelque chose si je ne parle pas de son livre ? Toutes ces questions ne se posent même pas quand l'auteur du livre et le critique se connaissent. Ainsi, un journaliste qui publie un livre aura systématiquement un écho médiatique, un politicien aussi. J'ai connu, dans la presse de province, des journalistes écrivains tirant parti les frontières nationales. L'un, employé par un quotidien belge, consacrant une page enthousiaste à un confrère français pour son dernier livre. Et ce dernier, dans son propre journal, faisant de même en faveur de l'ouvrage de son confrère belge paraissant à peu près au même moment. La frontière faisant que les lecteurs d'un journal ne lisaient pas l'autre, le renvoi d'ascenseur ne se voyait pas.
Comment s'y prend-on pour rédiger une critique ? Comme je l'ai dit, le journaliste ne lit pas le livre, ça lui prend trop de temps, c'est trop fatiguant. Mais il se trouve qu'avec le livre, il a reçu un communiqué de presse. En général, pour autant qu'il souhaite en parler, il va se contenter de le publier tel quel. Eventuellement, il ajoutera sa signature au bas du texte pour faire croire qu'il en est l'auteur. Ce qu'on peut attendre au mieux d'un critique, c'est qu'il procède à un mélange entre le communiqué de presse, ce qu'il sait du sujet ou du contexte et un feuilletage du livre, une lecture en diagonale, afin de publier un texte original. Quant à ceux qui lisent entièrement les livres avant d'en parler, ils forment une infime minorité, d'autant plus s'il leur vient l'idée d'en parler objectivement.
Les critiques sont rarement négatives, surtout lorsqu'elles concernent des éditeurs ou des auteurs qui ont du pouvoir. Critiquer le pouvoir, c'est prendre le risque d'aller bientôt pointer au chômage. Car non seulement les journalistes ne sont pas toujours d'une objectivité irréprochable mais, en plus, des pressions peuvent s'exercer de l'extérieur sur les médias. On téléphone à la rédaction, on envoie des mails, des courriers, on prévient qu'on pourrait annuler une campagne publicitaire dans ledit média si celui-ci s'entête à parler objectivement à ses lecteurs. Mais, très souvent, il n'y a même pas besoin d'en arriver à de telles extrémités, chacun sachant où est son intérêt personnel.
Enfin, derrière l'individu, il y a le système. Le critique travaille pour un média. Ce média appartient lui-même à un groupe de presse. Le livre, lui, est publié par un éditeur. Souvent, cette maison d'édition appartient aussi à un groupe de presse. Il est amusant de voir à quel point certaines critiques de mauvais livres sont élogieuses lorsque le groupe de presse du critique est le même que celui de l'auteur. Et puis, il y a les prix littéraires. Longtemps, les célèbres prix littéraires français étaient réputés être issus d'un arrangement interne entre les grandes maisons d'édition, pour que chacune s'y retrouve. Mais il y a bien d'autres prix, remis par des comités où figurent les mêmes gens de pouvoir, avec les mêmes procédés. Je connais par exemple un auteur, un historien, qui a l'habitude, dans ses livres, de faire référence à d'autres historiens, vivants, pour dire à quel point leurs ouvrages, dont il s'est inspiré, sont excellents. Et cet auteur, curieusement, ne cesse de recevoir des prix. Or, ces livres, eux, sont loin d'être excellents. Il faut croire que les historiens qu'il y flatte siègent parmi les comités qui décernent des prix...

La face cachée du pouvoir communal
L'exemple d'Aubange (B)
Six mois en immersion
Pour se faire une idée de la classe politique, rien de tel que de l'observer de l'intérieur, en immersion. Les hasards de l'existence m'ont conduit à travailler pendant une brève période pour le compte d'une ville belge : Aubange, commune de près de 20.000 habitants, située aux trois frontières, c'est-à-dire à la jointure des territoires français, belge et luxembourgeois. De plus, j'y étais un service à moi tout seul, dépendant directement du collège politique et de la direction générale, ce qui me mettait en relations quotidiennes avec ces gens-là (comme dirait Brel...). Si c'est un poste d'observation appréciable, pour faire de la sociologie participative en somme, c'est une posture peu enviable, professionnellement parlant, pour l'ensemble du personnel d'ailleurs. Le récit que je vais en faire peut paraître anecdotique mais on comprendra, en conclusion, qu'il est révélateur d'un système général, plus ou moins occulte, qui permet à une minorité peu fréquentable de nuire à la majorité.
Un symptôme de cette situation : les incessantes démissions au sein du personnel aubangeois. Au moment même où j'entrais en fonction, la responsable du service Logement quittait la commune. Juste après elle, c'était au tour du fonctionnaire chargé du contrôle interne, qui allait, une fois parti, assigner la commune en justice. Puis venait, coup sur coup, la responsable du service Urbanisme et son adjointe. Plus tard, une employée du service Population et une autre du service Personnel. Ensuite, ce fut mon tour. Puis, dans les mois suivants, la secrétaire politique, un employé du service Informatique, la responsable du service des Travaux, la nouvelle responsable du service Logement, le responsable du service Personnel... Ils avaient cinq, dix ou quinze années d'ancienneté à Aubange et certains comptaient parmi les fonctionnaires les plus compétents de la commune. En l'espace d'un an, c'est la majorité des chefs de service qui sont partis. Pourquoi un tel exode ?
Un personnel en fuite
Mes collègues de l'époque m'avaient fait part de leur sentiment. Les voici en vrac : « Ici, on n'est pas reconnu pour le travail qu'on accomplit ; il y a sans arrêt des réunions mais les dossiers n'avancent pas ; il y a des incapables à la tête de cette commune qui se ridiculisent en allant frapper à la porte des ministères ; c'est une commune que le personnel fuit ; les employés sont manipulés, on fait en sorte de susciter une mauvaise ambiance, on joue avec le statut des fonctionnaires, on multiplie les contrats à durée déterminée, on sous-paye des employés qualifiés, qui finissent par aller voir ailleurs ; je voudrais déposer plainte auprès du conciliateur interne mais je ne le fais pas sans quoi on saura que c'est moi, etc. »
A la longue, j'ai constaté que mes collègues se plaignaient amèrement du groupe de personnes à la tête de cette commune, c'est-à-dire du collège politique et du directeur général. Au départ, ils n'osaient pas me citer nommément des personnes, se contentant de me dire, avec un air de dépit « Tu te feras ton opinion toi-même ». Puis, les mois passant, il est apparu qu'ils ciblaient le directeur général de la commune, Tomaso Antonaccci, et la 1ère échevine, ancienne bourgmestre, Véronique Biordi. Certains m'ont aussi fait des confidences relatives à d'autres membres du collège. On m'évoquait des affaires antérieures, ayant suscité des plaintes et des démissions, déjà, parmi le personnel. Des fonctionnaires apparaissaient très remontés contre la direction politico-administrative, d'autres craintifs pour leur avenir. On me parlait de manipulations à l'encontre du personnel, de liens avec la franc-maçonnerie, on me prévenait de faire attention à moi, etc. Par personne interposée, j'étais entré en contact avec l'employée qui avait occupé mon poste par le passé, pour lui demander son opinion, notamment sur ses relations avec le pouvoir aubangeois. Sa réponse fut lapidaire : « Ce sont des pourris ! »
Avant d'aller plus loin, pour que personne ne s'y perde, voici comment fonctionne le pouvoir communal belge. Le grand public a connaissance des séances du conseil communal, qui sont publiques, donc relatées par la presse. A Aubange, le conseil a lieu tous les mois ou tous les deux mois. Mais, en fait, l'essentiel des décisions se prend à huis-clos, lors des séances de collège, qui se déroulent tous les lundis matins. Le conseil, lui, n'est qu'une chambre d'enregistrement. Le collège d'Aubange, quand j'y travaillais, rassemblait 8 personnes. Il y a un administratif, le directeur général (Antonacci), qui assure le secrétariat de la réunion. Il y a 7 élus, qui votent. Il s'agit d'une coalition. La majorité est catholique, avec le bourgmestre (Dondelinger), la présidente de CPAS (Habaru) et deux échevins (Kinart et Jacquemin). Les socialistes sont trois, emmenés par la première échevine et ancienne bourgmestre (Biordi) avec les échevins Binet et Devaux. Tous les lundis, ils vont donc se prononcer sur une multitude de points qui sont mis à l'ordre du jour par les différents services de la commune ou à la demande de membres du collège.
L'incompétence généralisée
Ayant eu l'occasion de croiser quotidiennement les membres de la direction politico-administrative d'Aubange, j'ai pu me faire une idée de leur action. Jamais je n'en ai vu un prendre des notes à une réunion. Ils n'ont même pas un calepin et un bic. Ils viennent en commune en touristes, pour discuter, certains pour se faire voir. Il sont pourtant tous payés, et certains bénéficient même des plus gros salaires de la commune. Comme ils ne prennent note de rien, ils oublient. Ajoutons à cela qu'il n'y a aucune organisation cohérente dans cette commune : pas d'objectifs clairs, de hiérarchie des tâches, de coordination, de suivi des dossiers, de souci des délais légaux... j'en passe et des meilleures. De plus, certains de ces personnages trouvent leur bonheur à susciter des problèmes là où il n'y en avait pas, y compris avec la population locale.
Avec de telles pratiques, les décisions prises par le collège d'Aubange tournent facilement à un florilège de la mauvaise administration. Comme ces gens manquent de mémoire et de cohérence, il leur arrive de prendre deux fois la même décision, ou de voter deux décisions opposées sur le même dossier. Avant de décider quelque chose, ils ne s'informent pas et ne réfléchissent pas plus : on vote et puis on verra bien après. D'où une multitude de problèmes qui surgissent a posteriori.
Un exemple pour illustrer cette façon de faire : il y a des années de cela, le collège décide la construction d'un immeuble devant l'ancienne usine d'Athus (rue Floréal), ce qui entraîne une campagne publicitaire, un marché public à l'attention d'entrepreneurs privés, un cahier des charges et une sélection qui retient deux soumissionnaires; puis plus rien parce que le collège n'est plus d'accord avec le contenu du cahier des charges qu'il a lui-même choisi, situation ubuesque ; pour dépasser ce blocage, je fais annuler la procédure afin de tout recommencer, sauf qu'il n'y a désormais plus personne pour se charger du dossier ; Bilan de l'opération : des années perdues, des budgets dépensés pour rien, du travail inutile fourni par le personnel, et un double panneau publicitaire, trônant depuis des années devant l'ancienne usine, annonçant le renouveau de la ville d'Athus, renouveau qui n'est pas près d'arriver (pas plus que la reconstruction, à proximité, du pont Cockerill...).
Il faut le savoir : au bout du compte, c'est l'administration qui écope. Car, le vrai travail, c'est l'administration qui l'accomplit et non le collège. Les membres du collège, parfois élus depuis des décennies, sont incapables de remplir un dossier administratif ou même, simplement, de rédiger une décision de collège. Tout cela n'empêche pas ces gens d'avoir une haute opinion d'eux-mêmes. La vanité est largement répandue parmi ce milieu, qui considère le personnel comme ses serviteurs, un personnel sur lequel on peut passer ses humeurs, ou que l'on peut manipuler à souhait, comme les pions d'une boîte de jeu.
Quelques exemples dans la rénovation urbaine d'Athus
A titre d'exemple, parmi d'autres aberrations dont j'ai été témoin, voici quelques dossiers relatifs à la rénovation urbaine de la ville d'Athus, dont je me suis occupé pendant six mois. Qu'est-ce que la rénovation urbaine ? Il s'agit d'une opération de longue durée visant à réhabiliter une ville qui ne s'est jamais remise de la fermeture de son usine, en ciblant un certain nombre de quartiers où mener des travaux. En général, ces travaux prennent la forme d'achats de bâtiments - avec l'aide de subventions publiques régionales - afin de les détruire pour bâtir autre chose à leur place, sinon de les rénover. Dans son action urbanistique et architecturale, la commune est associée à ce qu'on appelle les auteurs de projets, c'est-à-dire un groupement privé comprenant un urbaniste et deux architectes, qui se chargent de fournir les plans des travaux à venir.
La rénovation urbaine d'Athus a commencé en 2012. Une décennie plus tard, rien n'est encore concrétisé. La commune achète des bâtiments sur base des projets qui ne sont éventuellement plus valables aujourd'hui. C'est ainsi qu'Aubange en arrive à jeter des propriétaires hors de chez eux pour obtenir un terrain dont elle ne sait que faire, dont elle n'a pas étudié le niveau de pollution, par exemple, et qu'elle n'étudiera peut-être jamais parce que ça coûte trop cher. Elle lance des menaces d'expropriation sans rien connaître de la législation dans ce domaine et en se mettant à dos les habitants concernés que les membres du collège se gardent bien d'aller rencontrer.
Les dossiers remis au collège par les auteurs de projet ne respectent pas les procédures légales en la matière, ce qui n'empêche pas le collège de les approuver. Certains de ces projets sont, en outre, totalement incohérents et ils reçoivent quand même l'aval du collège.
Ainsi, à la place du Brüll, les auteurs de projets avaient prévu d'ériger de nouveaux bâtiments à peu près dans tous les endroits où cela n'était pas possible : dans des zones non constructibles, à l'emplacement de bâtiments récents, dans des zones inondables, sur des terrains privés qu'il n'était pas prévu d'acheter ; ils voulaient aussi modifier les sens de circulation routière sans en étudier les conséquences sur le trafic, créer un parking souterrain en plein quartier de trafic de drogue ; ces plans ne tenaient compte ni des questions commerciales, ni des réseaux collectifs, ni des problématiques de sécurité, de mobilité, etc. J'ai dû reprendre tout le dossier à la base, et dessiner moi-même les plans d'urbanisme pour qu'ils répondent aux contraintes locales et à la volonté de transformation de la ville, en imaginant un projet précis intégrant les institutions culturelles locales, plus ou moins menacées dans leur existence. Tout cela est resté lettre morte, comme on le comprendra plus loin. Même destin funeste pour les séances publiques organisées par la commune en collaboration avec l'université de Liège, pendant l'hiver 2019-2020, afin que la population exprime ses souhaits pour l'avenir de la place du Brüll, laissant croire aux citoyens qu'ils avaient un quelconque mot à dire quant au destin de leur ville. La direction politico-administrative n'attendait pas de se faire dicter ses choix par des habitants. Elle prend de mauvaises décisions, mais elle n'entend pas que d'autres les prennent à sa place.
Autre exemple, la place Verte. Le dossier avait été bouclé avant mon arrivée. Or il avait suscité les avis négatifs de diverses instances. Par ailleurs, tous les riverains de cette place s'étaient opposés au projet, mais la commune n'avait même pas jugé utile de leur répondre. J'avais également émis des réserves, ce qui m'avait valu cette réaction lapidaire : « C'est un bon projet et, de toute façon, on n'en discute plus, il est déjà bouclé ». Au moment de commencer les travaux, en mars 2020, un riverain paniqué a déboulé en commune parce qu'on allait éventrer son terrain. Dès lors, avec quelques collègues, nous avons suspendu les travaux et essayé de démêler l'affaire. Il est apparu que le plan présenté par les auteurs de projet et accepté par le collège prévoyait d'éventrer rien moins qu'une quinzaine de terrains privés sans aucune autorisation. Il prévoyait aussi de transformer une placette arborée en une sorte de sortie de métro, totalement minérale, alors que le changement climatique demande de ne pas imperméabiliser les sols et de favoriser la végétation. Une partie des places de parking des riverains devait disparaître, sans solution de rechange ; le collège n'avait même pas conscience qu'il avait signé des plans transformant la rue qui traverse la place en un sens unique ; dès lors, forcément, aucune réflexion n'avait été menée quant à l'impact sur le trafic routier ; cerise sur le gâteau, le plan prévoyait des casse-vitesse pour ralentir la circulation automobile à l'entrée de la place, sauf que, sur le plan, ces casse-vitesse étaient disposés... à la sortie de la place. Avec autant d'âneries, Coluche vivrait encore, il aurait là de quoi alimenter durablement son réservoir de blagues belges...
Le 2 mars 2020, j'ai remis un dossier aux chefs de services concernés et transmis copie à l'intercommunale Idelux, qui accompagne Aubange dans la rénovation urbaine, dossier relatif à la violation des procédures en cette matière, dont voici la conclusion : « Fréquents retards, dérapages budgétaires (entre 50 et 300%), procédures violées, plans grevés d'erreurs nombreuses et souvent grossières : la Ville d'Aubange est durablement lésée par la manière dont les auteurs de projets de la rénovation urbaine conduisent les missions qui leur sont proposées. » Bien entendu, toutes ces dérives ne peuvent avoir lieu qu'avec l'aval du collège.
Un personnel qui n'est pas respecté
Ainsi que je l'ai dit plus haut, le personnel communal s'en va chercher du travail ailleurs à cause de la situation qui prévaut à Aubange. Non seulement la direction politico-administrative fait preuve d'une incompétence rare, mais la manière dont sont traités les fonctionnaires n'est pas plus reluisante. Outre qu'il n'y a aucune organisation cohérente du travail dans cette commune (alors même qu'un directeur général est payé notamment pour cela), les membres du personnel font l'objet de brimades. Plusieurs personnages à la tête du collège s'autorisent des crises de colère sur les employés qui leur tombent sous la main au moment de leurs humeurs fluctuantes. Plusieurs de mes collègues de l'époque se sont plaints de l'attitude à leur égard de la 1ère échevine. Certains, qui ne la supportaient plus, lui avaient trouvé un petit nom, issu de la version Disney de « Robin des bois »... J'ai moi-même été témoin de son attitude à l'encontre de personnes extérieures à la commune, un président d'association et un architecte. Et, in fine, j'ai eu à subir les crises de nerfs de cette personne, qui aime à accuser autrui de fautes qu'elle a elle-même commises dans des dossiers qu'elle ne comprend pas. J'ai dès lors remis un rapport à la direction générale et au collège, puis porté plainte. Des membres du collège sont venus me trouver, comme un chœur de pleureuses : « Elle a recommencé... Ca ne peut plus durer comme ça... Il faut faire quelque chose... Si vous vous présentez à la reconduction de votre contrat, je voterai pour vous... ». Quelques semaines plus tard, les mêmes ont voté à l'unanimité la non reconduction de mon contrat. Pendant les dix jours de travail qu'il me restait à prester, ils ont disparu de la commune, car le courage n'est pas non plus une de leurs qualités.
J'exerçais une fonction à temps plein, qui consistait notamment à boucler des dossiers dans des délais légaux, sans quoi la procédure n'était plus valable. Depuis mon départ en mars 2020, le poste est resté vacant. La politique de rénovation urbaine d'Aubange, qui n'avait déjà pas donné de grands résultats jusque-là, est à peu près morte puisqu'il n'y a plus de conseiller depuis mars 2020 et que les auteurs de projets, qui devaient être renouvelés en février 2020 pour quatre ans, ne l'ont jamais été. Le même sort frappe d'autres postes. La responsable du service des Travaux, le plus grand service de la commune, partie en octobre 2020, n'a jamais été remplacée non plus. Il en va de même pour d'autres fonctionnaires cités au début de cet article. La situation était déjà calamiteuse avant ; le non-remplacement de certains chefs de service et fonctionnaires qui s'en vont les uns après les autres n'arrange évidemment pas les choses.
Les affaires
Une collègue m'avait confié des propos entendus lorsque le collège m'avait engagé en 2019. Trois de ses membres avaient émis cette remarque : « Il ne faudrait pas qu'il fasse la même chose avec Aubange que ce qu'il a écrit dans son livre « En vos titres et qualités » ». Car, une dizaine d'années plus tôt, j'avais dénoncé d'autres affaires par le biais de cette publication. Avant que je ne quitte mon emploi, un autre collègue m'a dit : « Si tu écris quelque chose sur la commune d'Aubange, avec tout ce que je sais, j'ai la matière pour un chapitre complet ». S'il me lit, il y a encore de la place sur mon site...
Il se trouve que j'avais passé l'examen pour le poste de conseiller en rénovation urbaine à Aubange après avoir été averti de plusieurs recrutements en cours, par le directeur général de cette commune. Car, j'avais croisé cette personne l'année précédente. Alors que je ne le connaissais pas, il était venu me trouver en se présentant comme le fonctionnaire idéal, un lanceur d'alerte victime d'une injustice de la part du monde politique. Pour faire bref, il cherchait à rassembler des personnes lui permettant de mettre en ligne une vidéo pour dénoncer une affaire qui l'avait conduit en justice, affaire liée à un projet immobilier soutenu par un ancien échevin aubangeois nommé Morosini. En vue de concrétiser son projet, il avait pu obtenir la collaboration d'une fonctionnaire, de sa fille, et d'un haut fonctionnaire à la retraite. Il m'avait demandé de rédiger le texte de ladite vidéo, mais son projet n'a jamais abouti. C'est à cette occasion qu'il m'avait remis une clef USB, bourrée de dossiers, dont je ne me suis pas préoccupé jusqu'à ce que j'en découvre le contenu, fin 2019. Il y avait, sur cette clef, tous les dossiers de conflits internes de la commune d'Aubange pour les dix années précédentes : dépôts de plaintes, évaluation du personnel, convocation de police, courriers au collège, mesures disciplinaires, notes personnelles, etc. Des dizaines de noms y figuraient, et pas toujours à leur avantage. Il s'agit évidemment de documents confidentiels. Après avoir pris conseil autour de moi pour savoir ce que je devais faire d'un tel dossier, j'ai saisi de l'affaire le procureur général de Liège, en mars 2020. J'ai été entendu à ce sujet par la police judiciaire en septembre de la même année, et je lui ai versé l'intégralité du dossier, constitutif de violation du secret professionnel selon la terminologie employée par le Parquet. Les dizaines d'employés – et d'anciens employés – de la commune d'Aubange qui figurent dans ces dossiers litigieux ignorent sans doute encore que leur nom et leur passé se baladent ainsi dans la nature (alors que j'en avais averti le collège dès mars 2020).
Après avoir saisi le procureur général de Liège, j'ai adressé copie partielle du dossier au collège d'Aubange et j'ai averti par voie électronique l'ensemble des conseillers communaux. Le directeur général, lui, a quitté sa fonction à Aubange quelques mois plus tard. Il a été engagé en janvier 2021 comme directeur financier de la commune de Florenville. En juillet 2021, par le truchement de son avocat, il a tenté de faire retirer son nom du présent article. Sans succès.
Pas de contre-pouvoir politique
En avril 2020, j'ai adressé un courrier électronique à tous les conseillers communaux aubangeois au sujet de la situation qui prévaut au sein de la commune, ainsi que je l'ai décrite ci-dessus. En voici un bref extrait : « La Commune d'Aubange est une pétaudière. L'organisation interne y est à peu près inexistante. Les nouveaux employés qui entrent en fonction ne sont pas encadrés. La multiplication des démissions désorganise les services, à l'image de l'Urbanisme il y a peu. Il faut sans arrêt former de nouveaux agents, qui ne sont vraiment opérationnels qu'au terme de plusieurs mois. A titre d'exemple, il y aura eu successivement quatre conseillers en rénovation urbaine en moins de deux ans, quand le nouveau arrivera... à supposer qu'il arrive un jour. Le groupe des huit (collège et DG) a des opinions arrêtées sur des thématiques qu'il ne maîtrise pas. D'esprit passablement confus, il fonctionne au coup par coup, sans vision durable, ne reculant pas devant les contradictions, alternant les longues phases d'apathie - pendant lesquelles il oublie les délais qui courent, le contenu des dossiers et même le sens des décisions qu'il a prises - avec des crises d'hystérie soudaines, dont il accable le personnel. Résultat : du travail bâclé, de l'énergie, du temps et de l'argent perdus. Il n'y a pas de hiérarchisation des actions, de chronologie des démarches, de communication interne, ce qui est pourtant la base de toute organisation... Le personnel n'est pas humainement soutenu dans son labeur, bien au contraire. Beaucoup d'agents ne se sentent pas reconnus, ce qui est un facteur de démotivation (et de démission puisque certains ne sont déjà plus là). Plusieurs m'ont confié qu'ils en faisaient le moins possible, vu le manque de considération à leur égard. On ne se soucie guère de la valeur de leur travail, ni du service rendu à la population. Il y a des maladresses psychologiques flagrantes dans l'affectation des personnes, à supposer qu'on veuille l'efficacité et la bonne entente dans les services, ce qui n'est pas forcément le cas. En effet, les agents sont considérés par certains comme des pions que l'on peut manipuler à son profit personnel, sur qui l'on peut assouvir ses crises de colère ou ses tares psychologiques. Il y a un manque élémentaire de respect à leur égard. »
Avant de leur envoyer ce courrier, j'avais déjà eu l'occasion de croiser l'un ou l'autre de ces conseillers, qui étaient donc déjà informés des grandes lignes, et qui m'avaient fait part de leurs propres critiques à l'encontre de membres de la direction politico-administrative. Deux de ces conseillers ont répondu dans le même sens au courriel que j'ai envoyé à tous en avril 2020. Pour autant, rien n'a changé en commune d'Aubange, et rien n'a filtré publiquement. C'est l'omerta qui prévaut. Ce qui signifie que le conseil communal, puisqu'il en est informé, partage la responsabilité des actes posés par le collège. Ce qui signifie aussi que l'opposition politique n'existe pas. Il y a une connivence politique généralisée au service de l'incompétence et de la malveillance exercées à l'encontre du personnel communal et au détriment des citoyens de la commune d'Aubange. Car lorsque les impôts sont dilapidés dans des modes de fonctionnement aberrants, dans des projets qui n'aboutissent pas, c'est dans la poche des citoyens qu'on va les chercher. Lorsque l'attitude de la direction politico-administrative d'Aubange entraîne l'exode du personnel vers d'autres cieux, c'est non seulement aux employés qu'ils nuisent, mais aussi au service rendu à la population.
Pas de contre-pouvoir syndical
Le personnel aubangeois, aussi compétent et dévoué soit-il, n'est pas respecté et ne trouve comme solution à cette situation que de quitter son emploi pour aller voir ailleurs. On vient de comprendre pourquoi il ne pouvait pas compter, pour faire valoir ses droits, sur le conseil communal, ni sur l'opposition politique. Qu'en est-il des syndicats ? Il y a deux déléguées syndicales en commune d'Aubange. En Belgique, par le système des piliers, les syndicats sont liés aux partis politiques. Quels sont les deux syndicats représentés en commune d'Aubange ? Le socialiste et le catholique. Quels sont les deux partis au pouvoir en commune d'Aubange ? Le socialiste et le catholique. Sans commentaire...
Pas de contre-pouvoir médiatique
Pas d'opposition politique, pas de contre-pouvoir syndical ; que reste-il comme recours ? La justice. J'ai déposé plainte contre l'échevine Biordi en décembre 2019 auprès de deux structures différentes. Je n'en ai aucune nouvelle à ce jour. En septembre 2020, j'ai prévenu le ministère des pouvoirs locaux de la Région Wallonne que les procédures de rénovation urbaine – dont la région paie la plus grande part – étaient violées. J'ai reçu, en octobre, un courrier du ministre Christophe Collignon intitulé « Aubange – Dérives en matière de rénovation urbaine et situation interne de l'administration communale calamiteuse », dans lequel il s'engage à m'avertir de la suite réservée à ce sujet. Je n'en ai pas de nouvelles à ce jour.
Quant à la presse, elle partage avec le conseil communal aubangeois le même sens de l'omerta, à croire qu'Athus est la Corse de la Belgique... Ou que c'est le décor d'un film de Chabrol (les turpitudes de la petite bourgeoisie de province). J'ai connu par le passé la presse provinciale de l'intérieur et je n'en conserve pas une opinion plus favorable que celle que j'ai du monde politique. Le problème, c'est le pouvoir, quel qu'il soit, et le profil psychologique des individus qu'il attire. En général, la presse adore les politiciens et a coutume de leur servir la soupe, surtout la presse locale (qui peut, à l'occasion, en retirer certains avantages). Voilà ce que ça donne : le personnel communal - celui qui fait le travail - est à peu près transparent, médiatiquement parlant, alors que le journaliste tartine sans fin sur le dernier des politiciens. Ces politiciens sont beaucoup plus soucieux de leur image médiatique que des décisions qu'ils prennent en collège. Dès qu'une occasion se présente, j'en ai été témoin, le bourgmestre et la 1ère échevine piaffent d'impatience à l'idée d'aller rencontrer un journaliste et de voir leur photo imprimée dans la gazette locale. Ce qui m'a permis, à l'occasion, de lire des informations sur des dossiers que je menais (l'achat de la gare d'Athus, par exemple), informations éventuellement fausses, assénées par des politiciens qui ne maîtrisent pas ces dossiers et se présentent comme les initiateurs des projets, le tout relayé par des journalistes pour lesquels recouper une information et faire preuve d'un sens critique élémentaire relève de la science-fiction. On retrouve le même souci de l'image les lundis de conseil communal. Une collègue m'avait expliqué que ces lundis là sont toujours des journées hystériques pour les membres du collège (et le personnel qui doit les supporter), parce qu'ils ont séance publique en soirée, en présence de la presse, et qu'il faut dès lors faire bonne figure. Peu importe ce qu'ils font réellement en commune, ce qui compte, c'est l'image qu'ils donnent publiquement.
Je vais citer deux articles de presse, à titre d'exemple. Le premier est paru dans le quotidien « L'Avenir », en date du 3 mars 2020 (page 20 : « J'apprends qu'on va raser mon jardin sans mon autorisation »). La correspondante locale y fait parler l'échevine Biordi au sujet des travaux de la place Verte, dont les riverains avaient alerté l'opinion. Ainsi que j'avais eu l'occasion de le signaler aux conseillers communaux en avril 2020, les dix affirmations de l'échevine dans cet article sont dix mensonges. Qu'un politicien mente comme un arracheur de dents, rien de neuf sous le soleil. Mais il faut prendre ici l'affaire dans son ensemble. On a d'abord un dossier calamiteux, celui de la place Verte, signé par les auteurs de projets de la rénovation urbaine et avalisé par le collège, puis une catastrophe stoppée de justesse uniquement à l'initiative de trois membres du personnel communal, ensuite des politiciens coresponsables de cette calamité (avec les auteurs de projets) qui repassent derrière en tirant la couverture à eux, avec l'aimable participation de la presse qui leur sert la soupe, le tout au détriment des citoyens, qui se font enfumer de A jusqu'à Z, afin qu'ils votent éternellement pour les mêmes, qui continueront de leur mentir jusqu'à la fin des temps et de prendre des décisions abracadabrantes au détriment de la collectivité.
Le second exemple médiatique concerne le sort du directeur général d'Aubange, à la suite du dossier que j'avais transmis au procureur général de Liège. Un article est paru dans le quotidien « La Meuse » en date du 16 mai 2020 (« Le directeur général d'Aubange est sur un siège éjectable »). On y mélange le vrai et le faux. L'information ne provient que d'une seule source, le directeur général lui-même. Le journaliste présente l'affaire en ne consultant qu'une des parties, sans recouper ses renseignements, alors que c'est un dossier conflictuel (et qui fait l'objet d'une procédure judiciaire, dont on ne dit pas un mot). C'est comme ça qu'on fait du journalisme en province du Luxembourg... Je suis personnellement désigné dans le document à plusieurs reprises, sans qu'on m'ait contacté. Toutes les citations me concernant sont fausses, et malveillantes. J'ai téléphoné à l'auteur de l'article, qui est aussi le chef de la rédaction, un nommé Goffinet. Il m'a expliqué qu'il était avide d'informations, me suppliant de lui en fournir. Je lui ai répondu que je devais me renseigner pour savoir ce que la loi prévoit en ce domaine ; suite à quoi, je lui ai adressé un courriel lui précisant ce que je pouvais légalement lui dire. Je n'ai jamais eu de retour. La presse s'est donc contentée de donner le point de vue partisan du directeur général ; d'autres médias ont repris le sens de l'article de « La Meuse » en en rajoutant une couche dans les fausses informations et la malveillance à mon encontre. Dès lors, le public n'a strictement rien compris à ce qui se passait en commune d'Aubange, ne fût-ce que parce que le plus grave n'était pas le projet Morosini du directeur général, mais le contenu de la chef USB qui n'aurait jamais dû sortir des ordinateurs de la commune. Eclairer son lectorat n'est visiblement pas le but de la presse locale, qui est là pour servir et flatter le pouvoir, dans des logiques de copinage et de renvoi d'ascenseur. On est en présence d'une presse de connivence et, par ses conséquences, d'un journalisme de propagande.
Le système des piliers, encore et toujours
En conclusion, le cas d'Aubange est un nouvel exemple du fonctionnement du système belge des piliers, que j'avais analysé il y a une décennie dans mon livre « En vos titres et qualités ». Et donc, les faits exposés ne sont nullement des dérives locales, des faits hors norme, mais il s'agit tout simplement de l'application d'un régime politique qui est tout sauf une démocratie, régime appliqué par les éternels mêmes profils psychologiques qu'on retrouve partout où il y a du pouvoir. Ce système est totalement cadenassé. C'est une oligarchie qui monopolise le pouvoir au détriment d'une majorité, une oligarchie qui protège les siens, quelles que soient leur incompétence et leur malveillance, et qui contrôle l'information de façon à ce que ne se diffuse qu'une vérité officielle, sans rapport avec la réalité des faits. Uniquement motivés par leur destin personnel, ces gens vivent de la collectivité tout en la desservant. C'est du parasitisme.
Le personnel aubangeois est parfaitement au courant des faits, c'est bien pour ça qu'il s'en va. Par contre, l'opinion, elle, est maintenue volontairement dans l'ignorance par la connivence des conseillers communaux et de la presse. Il est d'autant plus facile au collège de manipuler cette opinion que la moitié de la population de la ville d'Athus est étrangère et, pour partie, comprend à peine le français, voire pas du tout. A cela s'ajoutent des procédés clientélistes qui consistent à suggérer aux fonctionnaires de se domicilier en commune d'Aubange pour y être électeurs, de leur demander de figurer sur des listes aux élections, et qui consiste surtout à se promener dans les bureaux de l'hôtel de ville avec ses voisins, ses connaissances, afin de régler leurs soucis administratifs, sachant qu'un service en vaut un autre une fois le temps de l'élection venu.
Les membres du collège, qu'ils fassent le bien, qu'ils fassent le mal, ils sont de toute façon payés au même tarif à la fin du mois, leurs amis journalistes les présentent comme des demi-dieux à une population qu'on maintient dans une profonde naïveté, ils ne loupent pas une occasion de se congratuler entre eux, et, avec une telle propagande, ils sont forcément réélus tous les six ans. Dès lors, pourquoi se fatigueraient-ils à travailler en vue du bien public ?
Face à un tel constat, des fonctionnaires travaillant pour d'autres communes, ou ailleurs, me répondent souvent, en haussant les épaules, que c'est pareil chez eux, ou presque, me confiant la piètre opinion qu'ils ont des élus locaux qu'ils croisent quotidiennement dans le cadre de leur travail, et la mauvaise gestion qui en résulte. Certes. Ce n'est sans doute pas mieux non plus dans les administrations de Biélorussie ou d'Afrique. Et c'est probablement pire en Corée du Nord ou en Birmanie. On trouve ses points de comparaison là où on peut... Comme le dit un ami, « Entre la peste et le choléra, moi, je choisis la santé. »